Des experts se rencontrent à McGill pour discuter d’aviation internationale et de responsabilité civile
Voyageant à bord d’un vol Séoul-Los Angeles, l’Américaine Brandi Wallace se réveille soudain de sa sieste pour constater que le passager dans le siège d’à côté se livre à des attouchements sur elle. L’homme est arrêté, mais elle intente également un procès contre la ligne aérienne. Le tribunal de première instance rejette sa cause, mais la Cour d’appel des États-Unis décide en sa faveur.
Une ligne aérienne a-t-elle l’obligation de protéger un passager contre les avances sexuelles agressives d’un autre?
Voici l’un des nombreux sujets âprement débattus au Hilton Bonaventure les 30 et 31 octobre dernier, dans le cadre du Congrès sur la responsabilité et l’assurance en aviation internationale. Ce congrès est la plus récente édition des grandes conférences organisées chaque année par l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill.
Les droits des passagers étaient parmi les principaux thèmes abordés cette année, tout comme la responsabilité des lignes aériennes en matière d’accidents, d’interdiction d’embarquement, de retards et même d’euthanasie des troupeaux d’oies présentes sur les pistes.
Un moment fort du congrès fut l’appel simulé de la cause de Brandi Wallace devant la « Cour suprême fictive des États-Unis », mené par les mêmes avocats qui avaient plaidé la cause devant la Cour d’appel américaine.
Au cœur du débat : définir un « accident » selon le traité international qui régit ces situations. Une agression sexuelle est-elle un accident? Selon une interprétation, la réponse est oui, simplement parce que ses causes sont externes au passager (par opposition à une affection préexistante, pour laquelle une ligne aérienne n’est pas responsable). Selon une autre interprétation, plus restrictive, un accident doit non seulement être externe au passager, mais être aussi en lien avec l’opération de l’avion. Dans cette autre perspective, il serait plus difficile de donner raison à madame Wallace.
On ne sera pas surpris d’apprendre que les avocats des deux parties ne s’entendaient pas plus à McGill que devant les vrais tribunaux. Toutefois, la discussion, à laquelle l’auditoire a participé, a soulevé de fascinantes questions de justice, d’équité et de responsabilité. Et si Brandi Wallace avait été mineure? Si, au lieu d’une agression sexuelle, il y avait eu transmission de la grippe H1N1? S’agit-il, alors, d’un accident et, le cas échéant, y a-t-il responsabilité? Quelle différence si le passager présente des symptômes évidents de la grippe?
À ce sujet, Ken Quinn, un avocat de Washington qui a joué le rôle de juge en chef lors de l’appel simulé, a indiqué qu’à l’heure actuelle « les lignes aériennes prennent très au sérieux les questions de responsabilité au regard d’une éventuelle pandémie. »
Bien que l’on comprenne que les lignes aériennes soient d’abord préoccupées par leur éventuelle responsabilité civile, monsieur Quinn a confié que des procès comme celui-ci sont captivants, car le droit est encore en train de se développer, au gré des causes qui émergent. « Tout litige de ce type soulève des questions à la fois fascinantes et difficiles que tout avocat rêve de pouvoir plaider en cour, » dit-il.
Monsieur Quinn a souligné l’importance de congrès comme celui-ci, qui permettent aux avocats d’échanger sur des questions d’actualité en matière de droit aérien et d’en débattre. « L’Institut de droit aérien et spatial est un trésor pour la recherche en matière de droit aérien, » a-t-il déclaré. « C’est un établissement exceptionnel qui joue un rôle de premier plan partout au monde. »
L’avocat new-yorkais James Kreindler, qui est célèbre pour sa défense des droits des passagers, y compris les victimes de Lockerbie et les familles des victimes de l’attaque du 9 septembre 2001, était d’accord. Il a affirmé que les conférences organisées par l’Institut représentent une superbe occasion pour les chefs de file de l’industrie de se rencontrer, de participer à des débats et de réseauter. « Paul [Dempsey, le directeur de l’Institut] s’est surpassé une fois de plus en attirant au congrès un grand nombre de personnes très qualifiées et intéressantes. »
―Par Pascal Zamprelli, BCL/LLB’05, traduction de Lysanne Larose