Juge renommé, professeur passionné, plaideur invétéré et ardent défenseur des droits de la personne, l’honorable Michel Proulx a fait bien plus que marquer la pratique du droit criminel au Canada. Pendant plus de 40 ans, il s’est investi corps et âme dans son métier et aujourd’hui, tous s’entendent pour dire que par son exemple, il a redonné ses lettres de noblesse au métier d’avocat.

L’honorable Michel Proulx
L’honorable Michel Proulx

Persévérant à l’extrême

En 1973, un conflit éclate entre le Barreau du Québec et les futurs juristes. Les étudiants en droit demandent une réforme des examens du Barreau, dont le taux d’échec est effarant. À la table des négociations, Michel Proulx, représentant du Barreau, et l’étudiant Jacques Dupuis, aujourd’hui ministre de la Sécurité publique. « Déjà, Michel Proulx jouissait d’une excellente réputation, dit le ministre Dupuis. Mais on peut dire qu’on a bien négocié et que les étudiants ont gagné, parce qu’on a obtenu d’importants changements! »

Au fil des années, les deux rivaux deviennent des associés et de bons amis. « Michel Proulx avait un esprit créatif et connaissait par cœur tous les principes de droit criminel et la jurisprudence, dit Jacques Dupuis. En plus, il était grand et mince, et il était même, jusqu’à un certain point, un séducteur, au bon sens du terme. Il était très gentil, mais il avait un caractère assez abrasif. Il était persévérant à l’extrême! »

Les droits et libertés avant tout

Au début des années 70, Michel Proulx est déjà l’un des criminalistes les plus respectés au Canada. The Canadian Magazine le classe parmi les dix premiers au pays. Le jeune juriste n’a pas peur de se frotter aux grandes causes, comme la crise d’octobre en 1970 et la Commission Dubin, à Toronto, sur le dopage dans le sport amateur.

« Pendant la Crise d’octobre, Michel Proulx a beaucoup critiqué la Loi sur les mesures de guerre de Pierre-Elliot Trudeau, qui suspendait les droits et libertés des gens, dit Jacques Dupuis. Il a fait passer ses convictions personnelles d’absolue protection des droits et libertés au-dessus de ses convictions politiques, car il était d’allégeance libérale. »

« À l’époque, le droit au silence, le droit de se faire représenter par un avocat et le droit d’être à l’abri d’une fouille par les autorités étaient tous des droits qui existaient, mais ils étaient moins bien articulés qu’aujourd’hui, dit le juge à la Cour d’appel du Québec, Nicholas Kasirer, l’ancien doyen de la Faculté de droit de l’Université McGill. Michel Proulx avait le talent de les faire avancer avant même l’avènement de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. »

« Comme avocat, Michel Proulx scrutait à la loupe toutes les déclarations des accusés obtenues par des policiers, dit Jacques Dupuis. Il examinait méticuleusement si la déclaration avait été faite librement et volontairement. »

Nommé juge à la Cour d’appel en 1989, Michel Proulx poursuit son travail de réformiste. « Il est resté très sensible aux lacunes dans le droit et souvent, comme juge, il a été en mesure de combler ces lacunes, par ses décisions », dit le juge Patrick Healy de la Cour du Québec.

Un modèle d’éthique

Michel Proulx est l’un des rares criminalistes à s’intéresser profondément aux questions éthiques. Et il ne se contente pas d’écrire sur le sujet. Il se fait un devoir de former la relève. « Michel Proulx a été le mentor de nombreux jeunes avocats canadiens, dont moi », dit David Layton, criminaliste et coauteur du livre Ethics and Canadian Criminal Law, avec Michel Proulx.

« Notre livre a soumis pour la première fois les questions d’éthique à une analyse et à une recherche rigoureuses, tandis qu’avant, ces préoccupations étaient confinées aux dîners mondains ou aux discussions entre avocats. »

Pendant 22 ans, Michel Proulx transmet le fruit de ses réflexions aux étudiants de l’Université McGill. Le juge Nicholas Kasirer l’a eu comme professeur. « Michel Proulx a su convaincre, et pas seulement dans mon cas, de l’importance du droit criminel. Il fallait voir la passion avec laquelle il enseignait! » s’exclame-t-il.

« Comme professeur, il a su montrer qu’au-delà de l’intérêt pour les futurs experts, les considérations éthiques et déontologiques des avocats pouvaient être enseignées à travers le regard du droit criminel, ajoute le juge Kasirer. Je me souviens qu’il insistait sur le fait que toute personne, même coupable, a droit à une défense pleine et entière, et qu’il ne revient pas à l’avocat de décider si un individu a le droit ou non d’être défendu. »

Michel Proulx s’est même chargé de l’éducation de ses collègues de la magistrature, en créant un programme de formation pour les aider à gérer les questions éthiques, au National Judicial Institute, à Ottawa. Son passage dans le monde juridique a laissé une trace indélébile.

―Par Marie-Christine Valois

La Conférence commémorative Michel Proulx

Pour honorer Michel Proulx et l’influence bénéfique qu’il a exercée sur le droit criminel, sa famille s’est jointe à des membres du barreau et de la magistrature canadienne, ainsi qu’à des amis et des diplômés de la Faculté de droit, pour la première Conférence commémorative Michel Proulx. L’événement avait lieu le 13 janvier dans la salle du tribunal-école Maxwell-Cohen au Pavillon Chancellor-Day.

Monsieur le juge Michael Code de la Cour supérieure de l’Ontario a prononcé une allocution sur l’importance de l’éthique et du professionnalisme en cette ère de litiges criminels complexes. Madame la juge en chef Elizabeth Corte de la Cour du Québec, l’honorable Frank Iacobucci, CC, QC, de chez Torys, et monsieur le juge en chef Francois Rolland de la Cour supérieure du Québec ont ensuite ajouté leurs commentaires. Le tout s’est déroulé sous la présidence d’honneur de J.J. Michel Robert, CP, CR, juge en chef du Québec.

La Faculté de droit est reconnaissante pour l’appui qu’elle a reçu pour établir le Fonds des Conférences commémoratives Michel Proulx, Irwin Law et à Thomson Carswell, qui a commandité cette première conférence.