Clément Camion, BCL/LLB’13, et ses associées Stéphanie Roy et Geneviève Fortin dirigent En Clair, une start-up juridique avec une mission ambitieuse : réapprendre (et donner envie !) aux Québécois et Québécoises de lire un contrat du début à la fin avant de le signer. Discussion avec ces experts en simplicité juridique.
« À la base, nous sommes des passionnés de l’accès à la justice, c’est la fibre qui nous anime », nous confie Clément Camion, BCL/LLB’13, associé et expert en vulgarisation juridique pour la start-up juridique En Clair. Établie dans des locaux de co-working dans le Mile-End de Montréal, la jeune pousse fêtera bientôt le deuxième anniversaire de sa fondation par Stéphanie Roy et Geneviève Fortin, quelques mois avant que Clément Camion se joigne à l’aventure à titre d’associé. Les trois se connaissent de longue date, étant tous passés entre les murs d’Éducaloi, un organisme de vulgarisation d’information juridique.
Incompréhension du droit
Le projet est né du constat que les documents juridiques étaient l’une des sources d’incompréhension du droit pour le grand public. L’entreprise de services-conseils veut ainsi s’attaquer au problème à la source en aidant les entreprises à simplifier leurs contrats et leurs politiques. Le pari semble avoir porté fruit : les associés soulignent fièrement que leur start-up n’en est plus tellement une, alors qu’En Clair gagne en maturité et qu’elle embauche ses premiers employés à temps plein. « Nous comptons maintenant parmi nos clients des joueurs majeurs de l’industrie bancaire, des institutions financières et de grands assureurs », souligne Clément Camion. Et l’époque d’incertitude à savoir s’ils parviendraient à payer les comptes à la fin du mois est décidément révolue, ajoute sa collègue Geneviève Fortin en riant.
Des mandats diversifiés
Les associés d’En Clair attribuent leur essor rapide au besoin criant qui se manifeste au sein des entreprises, mais auquel encore peu de fournisseurs de service peuvent répondre. « Énormément de gens font le constat de la complexité dans leurs processus et dans la documentation qu’ils offrent à leurs clients, au public ou à leur propre personnel, et du coût énorme qu’elle entraîne », nous dit Clément Camion. Plusieurs organismes régulateurs adoptent par ailleurs des normes de clarté auxquelles les entreprises peinent à répondre, à défaut de détenir les compétences requises à l’interne. Les objectifs des mandats de simplification vont de réduire le nombre de plaintes de la clientèle lorsqu’il est question de contrats de consommation, par exemple, jusqu’à garantir une meilleure compréhension des politiques d’entreprise par des milliers d’employés, comme dans le cas d’ententes de non-divulgation.
Rendre ses lettres de noblesse au contrat
Un mandat de simplification juridique s’effectue de façon itérative, en étroite collaboration avec les parties prenantes au sein de l’entreprise, les associés nous expliquent-ils. À la première approche, plusieurs intervenants expriment une certaine réserve. Toutefois, devant la présentation de la version simplifiée d’un document, les juristes sont épatés de retrouver tous les principaux messages de leur version antérieure, mais sous un niveau visage. Pour combler le décalage entre la méthode de pensée juridique et celle du consommateur, En Clair restructure l’information, simplifie la langue, fournit au lecteur les notions dont il a besoin, et fait même appel à des représentations visuelles lorsque possible. « L’apparence de complexité peut suffire à décourager le consommateur pressé », souligne Clément Camion. En rendant les documents intéressants et lisibles, ils espèrent rendre ses lettres de noblesse au contrat de consommation et réapprendre aux gens à lire les contrats, et ainsi leur permettre d’offrir un consentement plus éclairé.
Clarity 2018
L’actualité récente du milieu juridique révèle aussi un intérêt grandissant pour les notions de langage clair et de simplicité juridique. Du 25 au 27 octobre, la conférence Clarity 2018 réunira à Montréal des dizaines de grandes figures du milieu juridique, dont le juge en chef de la Cour suprême du Canada, le bâtonnier du Barreau du Québec, et des dizaines de juristes et magistrats. Le doyen de la Faculté de droit Robert Leckey participera d’ailleurs à la conférence de clôture « L’avenir de la profession de juriste en lien avec la communication claire ». L’une des associées fondatrices d’En Clair Stéphanie Roy y fera une présentation en collaboration avec Marc-André Dowd, Commissaire à la déontologie policière et client d’En Clair. Ils y présenteront un mandat de simplification des lettres envoyées aux personnes portant plainte contre un policier, qui a permis de réaliser d’importances économies en heures de travail pour le personnel de la Commission en réduisant la quantité de questions du public. À son tour, Clément Camion prendra part à une discussion sur les pratiques de rédaction épicène et inclusive à travers le monde.
Par ailleurs, il s’agit d’un travail de réflexion qui n’épargnera sans doute pas les rédacteurs de loi et la magistrature, suggère-t-il. Déjà l’entreprise collabore régulièrement avec l’Institut canadien de l’administration de la justice pour offrir à la magistrature des formations sur la rédaction de jugements plus faciles à comprendre pour toutes les parties. Dans le même ordre d’idée, la Cour suprême annonçait plus tôt cette année qu’un résumé en langage clair de toutes ses décisions serait publié en ligne.
L’avenir est simple
À une époque où la transparence revêt une importance grandissante aux yeux du public, Clément Camion et ses collègues croient que la simplicité est l’avenir de la rédaction juridique. « Nous ne voyons aucune raison pour que l’écriture juridique soit si complexe », nous dit-il. « Nous ne nions pas la valeur de la structure de pensée du droit, bien au contraire, mais il y a beaucoup à changer dans la manière de le communiquer. »