L’auteur (troisième en partant de la droite) lors de sa participation à une Commission de vérification de la situation des droits humains au nom d’Avocats sans frontières Canada (Communauté Embera de Chidima-Tolo, Département du Choco, Colombie), juillet 2012.
Un de nos jeunes diplômés, Christopher Campbell-Duruflé, BCL/LLB’09, raconte deux expériences récentes qui l’ont mené en Amérique latine, pour pratiquer dans un domaine qui le passionne, le droit international des droits de la personne.
Par Christopher Campbell-Duruflé
Les quatre années que j’ai passées à la Faculté de droit de McGill m’ont permis de concrétiser un rêve que je portais en moi depuis longtemps : travailler à la défense des droits de la personne.
Arrivé directement du cégep Jean-de-Brébeuf, je faisais partie du groupe des « petits » de ma cohorte, une position plutôt intimidante à côté des étudiants bardés de diplômes et d’expériences. Je faisais aussi partie du groupe des « idéalistes » que l’on retrouvait régulièrement aux activités du Groupe d’actions en matière de droits de la personne. Rapidement toutefois, l’environnement de la Faculté m’a permis de reprendre confiance en moi, de concrétiser mon désir d’engagement et de rompre avec le caractère parfois élitiste ou réfractaire au changement du droit.
Certaines expériences pratiques comme, par exemple, le stage que j’ai réalisé à la Clinique d’information juridique de l’exceptionnel organisme « Dans la rue » auprès de jeunes personnes itinérantes à Montréal, et le stage d’été que j’ai fait au Centre pour la justice et le droit international au Costa Rica, m’ont particulièrement marqué. Elles m’ont permis de voir les applications concrètes de notions étudiées, ainsi que l’importance de l’université comme lieu de recherche sur cette même pratique. Je pense que c’est d’ailleurs cet équilibre entre théorie et pratique qui a été pour moi un des plus grands legs du baccalauréat en droit à McGill.
C’est aussi grâce à des cours tels qu’« Aboriginal Peoples and the Law » (Prof. Anker), « Sistema Interamericano de Derechos Humanos » (Prof. Fox-Decent) et « International Human Rights Law » (Prof. Mégret) que j’ai pu ensuite faire deux expériences fascinantes dans le domaine des droits de la personne. Alors que j’assistais à ces trois cours, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils m’amèneraient à ces expériences concrètes aussi rapidement !
D’abord, j’ai été avocat-collaborateur avec la Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM (CIDDHU). Ma responsabilité était de superviser un groupe d’étudiants en droit dans le cadre de leur cours clinique pour la préparation d’un important procès devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme : Nadège Dorzema et al c. République dominicaine. En juin 2012, j’ai eu le privilège d’accompagner le professeur Bernard Duhaime, BCL’98, LLB’98, à San José, Costa Rica, pour plaider cette affaire relative au massacre de migrants d’origine haïtienne commis à la frontière de la République Dominicaine, dans le contexte de racisme systémique qui empoisonne ce pays.
Cette expérience m’a amené à réaliser à quel point un dossier de droits de la personne est la rencontre d’intérêts divergents : obtenir réparation pour les victimes, remédier à un contexte de violation systémique de droits de la personne, obtenir certaines réformes législatives, développer la jurisprudence internationale, s’assurer que l’État respectera le jugement, préserver l’autorité du tribunal auquel on s’adresse, etc. Chaque décision prise dans le dossier doit être soupesée pour évaluer dans quelle mesure elle contribuera à atteindre ou à nuire à certains de ces objectifs… quelque chose qu’on apprend difficilement à l’école!
De plus, en février 2012, je me suis envolé pour les bureaux d’Avocats sans frontières Canada en Colombie. Pendant les six mois qui ont suivi, j’ai contribué à un projet fascinant de défense des droits des victimes du conflit armé interne qui persiste et de ceux des avocats de droits de la personne lourdement persécutés pour leur travail.
J’ai pu participer à plusieurs missions de terrain et découvrir la violence avec laquelle de nombreux acteurs, légaux et illégaux, font pression sur les communautés autochtones, afrocolombiennes et rurales du pays pour leur dérober leurs terres. Mais surtout, j’ai rencontré quotidiennement des avocats et défenseurs colombiens dont le courage a été une source d’inspiration personnelle et professionnelle énorme. J’ai quitté la Colombie convaincu de l’importance du droit international pour défendre la dignité d’individus vulnérables.
Cette année, je complèterai un LL.M. en droits de la personne au Center for Civil and Human Rights de l’Université Notre-Dame, dans l’Indiana. Après plusieurs expériences pratiques, j’espère profiter de ce retour aux études pour travailler sur certains enjeux qui me tiennent particulièrement à cœur, dont l’impact des mégaprojets d’exploitation de ressources naturelles sur les droits de la personne, les droits des peuples autochtones et la protection de l’environnement.
Mise à jour, 3 décembre 2012: Christopher Campbell-Duruflé nous a écrit pour nous dire que, grâce aux travaux qu’il a effectués avec le prof. Bernard Duhaime (BCL’98, LLB’98) et ceux de la Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM (CIDDHU), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a condamné, le 24 octobre dernier, l’État dominicain pour avoir attaqué, exécuté et blessé arbitrairement une trentaine de migrants haïtiens en juin 2000. Lire le communiqué de presse.
Pour lire davantage sur le travail de Christopher Campbell-Duruflé chez Avocats sans frontières Canada, visitez son blogue sur le site d’ASFC (espagnol et français).