Un texte de Daniel Jutras, doyen et titulaire de la chaire Wainwright en droit civil.
Version intégrale.

Je me souviens d’abord et avant tout de son rire et de son regard espiègle. Il pouvait lancer une observation très profonde qu’il faisait suivre d’un petit rire. On ne se rendait compte que plus tard de la profondeur de sa réflexion, alors que la conversation de couloir impromptue s’avérait beaucoup plus riche que ce qu’on avait d’abord imaginé.

H. Patrick Glenn à travers les années

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2008
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2009
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2013
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2014
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H. Patrick Glenn, professeur de droit et titulaire de la chaire de Peter M. Laing, est décédé le 1er octobre 2014. Il avait 74 ans.

Le professeur Glenn et son épouse, Jane Matthews Glenn, sont arrivés à l’Université McGill en 1971, avec un groupe de jeunes chercheurs recrutés par la Faculté de droit pour donner vie au nouveau programme national créé trois ans plus tôt. Originaire de Toronto et membre du Barreau de la Colombie-Britannique, H. Patrick Glenn incarnait déjà à l’époque l’esprit cosmopolite qui caractérise toujours l’Université McGill. Après avoir étudié le droit à l’Université Queen’s et à Harvard, il obtient un diplôme de doctorat en droit à Strasbourg.

Parlant un français impeccable, le professeur Glenn s’engage alors à fond dans la communauté universitaire et juridique du Québec, où il forme des amitiés durables. Il apprend l’espagnol, l’italien et l’allemand sur cassette en se rendant à pied au travail, et prononce des discours liminaires dans de nombreuses conférences scientifiques partout dans le monde, toujours à titre de digne ambassadeur de l’Université.  Grand voyageur, il ne manque jamais de revenir dans sa maison de campagne bien-aimée à Sutton, où lui et Jane jettent des racines et accueillent collègues, étudiants et chercheurs venant de tous les coins du globe.

Dès le début de sa carrière, le professeur Glenn avait pour mission professorale de repousser les limites et de réexaminer les fondements du droit comparé. Il est rapidement devenu l’une des sommités mondiales les plus respectées en matière de droit international privé et de procédure civile comparée. Ses contributions les plus notables à la théorie du droit comparé arrivent plus tard. Tout commence par un article phare à la fin des années 1980, dans lequel le professeur Glenn pose les assises d’une compréhension profonde des traditions juridiques, en partant d’une riche perspective historique et comparative.

Contrairement aux chercheurs qui soulignent les différences et les écarts incommensurables entre les traditions juridiques nationales, Glenn soutenait que le droit est historiquement le produit d’un dialogue fertile entre différentes structures juridiques locales.  À son avis, tous les systèmes juridiques sont dialogiques, dynamiques et interactifs. Il voyait la conciliation des lois comme un moyen vers la conciliation des peuples….

Au moment de son décès, plus de quatre décennies après ses débuts prometteurs à McGill, H. Patrick Glenn n’avait pas encore pris sa retraite. Il venait tout juste de terminer une monographie fascinante et iconoclaste, La conciliation des lois, tirée d’une célèbre série de conférences données dans le cadre d’un « cours général » à l’Académie de droit international de La Haye. Il prévoyait continuer à enseigner et à écrire pendant encore quelques années.  Il avait exactement la même silhouette distinctive qu’au début des années 1970, cheveux blancs, épaisse barbe blanche et sourire enjoué…

Bien peu de chercheurs dans les domaines du droit et des sciences sociales ont eu une influence aussi déterminante sur l’évolution de leur discipline que le professeur Glenn a eue au chapitre du droit comparé et de la théorie juridique.

Et bien peu ont eu une influence aussi durable sur leurs étudiants, leurs collègues et leur institution. Pourtant, aujourd’hui, c’est l’amitié, la grâce et l’humour de cet homme extraordinaire qui nous manquent le plus.

Aujourd’hui, à la Faculté de droit de McGill, c’est comme si un autre des plus grands arbres de la forêt venait d’être abattu – sans le moindre avertissement.  Nos pensées sont avec notre chère collègue Jane Matthews Glenn, et avec ses enfants Shannon et Jeremy.

On peut laisser messages, condoléances ou souvenirs ici.

Photos contribuées par Jeffrey Kennedy, Amanda Winegardner, Owen Egan, Claudio Calligaris et Lysanne Larose.

 

 

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