La Salle des livres rares de la Bibliothèque de droit Nahum Gelber dévoile ses secrets

Victoria Leenders-Cheng et Svetlana Kochkina*, traduction par Lysanne Larose

Publié à Paris en 1535, Le grât coustumier du pays & Côte du Maine est le patriarche de la collection

Inévitablement, le cœur de la bibliothécaire Svetlana Kochkina se serre un peu quand un étudiant lui dit « si j’avais su que je pouvais me servir de la collection des livres rares [de la Bibliothèque Nahum Gelber] quand je faisais mes travaux de rédaction, j’aurais moins compté sur Google Scholar et Google Books ! »

Située au premier étage de la Bibliothèque de droit, la Salle des livres rares, à ambiance contrôlée et éclairage tamisé, accueille sur ses rayons ordonnés plus de 3 500 volumes. Leurs reliures, de teinte rouge, brune, verte ou dorée, évoquent le léger crépitement d’une page de papier ancien que l’on tourne avec soin.

Madame Kochkina, qui affiche un faible évident pour les livres rares et les collections spéciales, est d’avis que les livres gagnent en valeur quand on s’en sert. « Aussi beaux qu’ils soient, ils ne sont pas là pour embellir la bibliothèque, » insiste-t-elle. « Il ne s’agit pas de faux livres décoratifs comme ceux que les gens achetaient au 19e siècle. Des étudiants et des chercheurs s’en servent pratiquement tous les jours. »

Malgré tout, l’éclairage de musée et les gravures anciennes accentuent l’impression que ces livres ne peuvent être manipulés qu’avec des gants blancs, tant ils sont vieux et fragiles. Mais bien que les livres plus anciens, comme le patriarche de la collection, Le grât coustumier du pays & Côte du Maine (1535), exigent une certaine délicatesse, ils demeurent disponibles et peuvent être consultés.

Ada-Maria Kuskowski, BCL/LLB’05, chercheuse invitée à la Faculté de droit, se souvient d’avoir eu recours à ces livres pour un projet avancé de recherche au cours de son baccalauréat. « C’était mon premier contact avec des ouvrages et des manuscrits vraiment anciens et je me souviens d’avoir été frappée par la beauté de ces livres. Aujourd’hui, un code doit ressembler à quelque chose que vous utilisez dans votre pratique – il n’est pas censé être un livre gigantesque, rempli d’images. »

Madame Kuskowksi, qui donne également un cours sur le droit médiéval, a l’intention d’emmener ses étudiants visiter la collection des livres rares à la fin de la session, afin qu’ils puissent constater de visu l’évolution et la transformation du droit à travers l’histoire.

Nul besoin de gants blancs! Les ouvrages de la Salle des livres rares peuvent être empruntés et consultés partout dans la Bibliothèque de droit (sans toutefois en sortir)

« La collection contient des volumes qui, placés chronologiquement, vous montrent comment le Code civil du Québec s’est développé à partir du Code civil français, » explique Svetlana Kochkina. « On peut constater cette évolution en commençant par des textes traitant de la préédition du Code Napoléon (1803) et de l’édition 1804 du Code Napoléon, en passant par le Code du Bas-Canada et le Rapport sur le Code civil du Québec, pour enfin terminer avec le Code civil du Québec. »

« Plusieurs des ouvrages de la collection nous viennent de France, » ajoute Ada-Maria Kuskowski. « Bien que dans mon cours, nous étudions des textes dans un contexte médiéval étranger, ces textes font également partie de l’histoire vivante du droit québécois. »

Cette possibilité de retracer le développement d’une tradition juridique est l’un des apanages de la collection. Alors que livres et textes électroniques deviennent facilement accessibles et que les catalogues des bibliothèques se standardisent au gré de la numérisation, les ressources documentaires que constitue une collection spéciale et unique s’avèrent essentielles à la mission des universités à vocation de recherche.

Mais, confie madame Kochkina, le charme des ouvrages dans la Salle des livres rares relève parfois simplement de l’esthétique. « Les gens aiment toucher les livres, les feuilleter, les humer. On ne peut pas tourner les pages d’un livre électronique. »

* Svetlana Kochkina est bibliothécaire pédagogique (Droit privé) à la Bibliothèque de droit Nahum Gelber. On peut la contacter par courriel à l’adresse suivante: svetlana.kochkina@mcgill.ca.

Photos et traduction: Lysanne Larose

Lire:

Rare Books Room FAQ (en anglais)

Rire:

Mr. Bean in the Library (en anglais)